Voix de tête, voix de poitrine : des mécanismes produits par… le larynx !

Femmes et hommes sont capables d’émettre des sons de quatre façons différentes ; on parle de quatre mécanismes ou registres. Stéphanie Dumouch vous présente ces mécanismes en vingt secondes :

Le chant lyrique utilise essentiellement les deux mécanismes médians : poitrine et tête.

Le mécanisme de poitrine permet de chanter grave

La voix de poitrine, aussi appelée mécanisme de poitrine ou mécanisme 1, est un mode d’émission du son au cours duquel :

  • La longueur des plis vocaux ne varie pas avec la hauteur du son émis
  • C’est la tension des deux muscles thyro-aryténoïdiens (situés dans chaque pli vocal et qui longent chacun un pli) qui permet de moduler la hauteur du son : les muscles se tendent davantage dans l’aigu
  • Les plis vocaux sont épais, et la surface de contact entre les cordes a une hauteur de l’ordre de plusieurs millimètres
  • En conséquence, l’air se fraie un chemin le long de cette surface de contact, remontant comme des bulles (« puffs d’air ») entre les plis vocaux accolés – et ce plusieurs centaines de fois par seconde ! C’est cette fréquence de passage qui détermine la hauteur de la note. Le schéma ci-dessous présente 8 instantanés de la position des cordes vocales, vues du dessus puis vues en coupe verticale :
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Dans la série de schémas du haut, les plis vocaux sont situés de part et d’autre de l’ouverture centrale. Dans la série du bas, les plis vocaux sont les 2 parties représentées en rose et qui se touchent dans la figure 1. (Les 2 autres plis situés au-dessus n’interviennent pas activement dans la formation du son. Pour cette raison, ils sont nommés « fausses cordes ».)

Ce mécanisme permet d’émettre des sons plutôt graves. En Europe, les hommes privilégient le mécanisme 1/de poitrine, à l’oral comme en chantant. Il est employé par les femmes à l’oral (mais pas de façon exclusive), ainsi qu’en chantant, en particulier par les chanteuses altos.

Le mécanisme de tête permet de chanter aigu

La voix de tête, aussi appelée mécanisme de tête ou mécanisme 2, est un mode d’émission du son au cours duquel :

  • La longueur des plis vocaux croît avec la hauteur du son, par une bascule vers l’avant du cartilage thyroïde (pomme d’Adam, présent également chez les femmes quoique moins visible), comme le montre l’illustration ci-dessous :
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Observez le « filament » blanc partant de l’aryténoïde (l’espèce de tricorne) et qui s’attache à droite à la partie antérieure de la pomme d’Adam (ici vue en coupe). Il s’allonge lorsque la pomme d’Adam bascule vers l’avant (position représentée en pointillés).
  • Les plis vocaux sont plus longs donc plus fins, et leur zone d’accolement ressemble à un trait fin plutôt qu’à une surface de contact
  • En conséquence, les puffs d’air sont émis lors de l’ouverture (légère) des cordes vocales, comme l’indique le schéma ci-dessous :

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Ce mécanisme 2/de tête permet d’émettre des notes plus aigües que le mécanisme 1. En Europe, il est employé essentiellement par les femmes, dans la parole comme en chant. On notera, en musique baroque, le répertoire écrit pour contre-ténor, chanté par des hommes en mécanisme de tête. Démonstration par notre Philippe Jaroussky national :

Adoucir le passage entre les mécanismes : la voix mixte

Lorsque l’on effectue l’exercice de la sirène, consistant à chanter une note grave et à monter progressivement dans l’aigu de la voix, il arrive un moment auquel la voix change soudainement de timbre : elle passe du mécanisme 1 au mécanisme 2. La note à laquelle se produit ce changement s’appelle le passage (ou grand passage). Elle diffère selon les personnes.

Pour des raisons esthétiques, les chanteur.se.s lyriques cherchent à atténuer cette inhomogénéité du timbre lors du passage. Ils développent pour cela la voix dite mixte, présentée dans un article dédié !

Accoler les cordes vocales pour enrichir le timbre

La plupart des chanteurs débutants chantent avec « de l’air dans la voix » :

On entend sur cet exemple comme un bruit d’expiration qui se superpose à la voix.

Ce bruit d’expiration vient de ce que les cordes vocales ne se touchent pas sur toute leur longueur – on dit également qu’elles ne sont pas parfaitement accolées. En conséquence, l’air qui vient des poumons, compressé par le système respiratoire, fuite en permanence par l’espace ouvert entre les cordes vocales.

Ce bruit d’expiration peut être recherché en variété, car il peut exprimer de l’émotion et donner un sentiment d’intimité. La plupart du temps, les chanteur.se.s lyriques l’évitent, car cette fuite d’air épuise rapidement la réserve pulmonaire et diminue fortement la puissance vocale. Ils préfèrent accoler leurs cordes vocales, comme dans l’exemple suivant :

La vidéo ci-dessous, en anglais, propose une vue du dessus des cordes vocales et de certains des différents mouvements qu’elles peuvent réaliser (notamment à partir de 1:29). Elle illustre notamment le rôle des 2 petits cartilages aryténoïdes dans le rapprochement des cordes vocales.

Explorer les différents degrés d’ouverture des cordes vocales

Vous pouvez expérimenter le degré d’ouverture le plus large en inspirant par la bouche : les cordes s’écartent largement pour laisser passer rapidement une grande quantité d’air. Dans l’exemple ci-dessous, j’inspire à 4 reprises la même quantité d’air, en écartant de plus en plus les cordes vocales ; l’inspiration s’entend de moins en moins :

Vous pouvez ensuite placer vos cordes vocales dans une position partiellement accolée, en chantant avec du souffle dans la voix :

Vous pouvez, à l’autre extrême, accoler très fortement les cordes et bloquer tout passage d’air. Votre corps le fait spontanément lors d’efforts musculaires importants, par exemple lorsque vous soulevez une charge lourde… ainsi que lors de la défécation. Si vous émettez ensuite un son, par exemple la voyelle A, alors les cordes vocales vont s’ouvrir brutalement et libérer l’air sous pression qu’elles retenaient, provoquant un (léger !) son explosif, aussi appelé « attaque glottique » (à faire à titre exploratoire uniquement, et non comme exercice) :

Vous l’aurez entendu, le son qui suit l’attaque glottique est plutôt dur et peu agréable.

Accoler suffisamment les cordes vocales

Exercice 1 : début de son coordonné

L’objectif de cet exercice est de produire plusieurs sons A d’affilée :

Il consiste à rechercher le point frontière situé entre l’attaque (début de son) sur le souffle d’une part et l’attaque glottique d’autre part. Ce point frontière est celui auquel les cordes s’accolent entièrement dès le début du son, sans être trop appuyées l’une contre l’autre.

Commencez par des attaques avec du souffle : commencez à expirer et ajoutez un son A, en étant attentif.ve à vos sensations au niveau du larynx (pomme d’Adam) :

Puis émettez des sons A commençant par une attaque glottique ; portez la même attention au larynx :

Enfin, produisez le son recherché, un son A qui débute sans bruit d’expiration préalable, et en supprimant l’attaque glottique :

Exercice 2 : stimulation des aryténoïdes

De mon expérience, l’exercice suivant produit plus d’effet lorsqu’il est bien exécuté ; il est aussi plus complexe (donc plus difficile) que le premier. En outre, il fait appel à la partie grave de la voix (« mécanisme lourd », aussi appelé « voix de poitrine ») ; or il se trouve qu’en France, beaucoup de femmes, habituées à entendre des voix féminines chanter dans la partie aigüe de leur voix, seront de prime abord peu à l’aise avec la partie grave. Il leur faudra prendre un peu de temps pour l’apprivoiser avant d’exécuter cet exercice.

Ledit exercice consiste à stimuler les aryténoïdes dans une position proche de la position d’accolement recherchée, par une sorte de son A guttural :

Bien que grave, ce son doit être réalisé sur une expiration dynamique (mais pas forcée).

A partir de ce son, il s’agit de faire monter la hauteur la voix de façon progressive et continue dans l’aigu, jusqu’à une note qui est confortable pour vous :

Le son est alors souvent plus riche en harmoniques, donc plus puissant, et votre réserve d’air s’épuise moins vite.

Note : monter progressivement la hauteur du son est en soi un exercice pas toujours naturel, et très utile par ailleurs pour améliorer votre maîtrise de votre appareil vocal. Vous pouvez par exemple imiter le son ascendant puis descendant d’une sirène de caserne de pompier.

Merci à la chaîne YouTube Bethea Medical Media pour sa vidéo pédagogique et à PASSEPORTSANTE.NET pour l’illustration de couverture, une belle vue de l’intérieur du larynx depuis le dessus et l’arrière ! Vous pouvez y distinguer les cordes vocales (qui fuient vers le fond), et à leur base, les 2 cartilages aryténoïdes, qui peuvent rapprocher les cordes vocales par déplacement latéral et/ou en tournant. Bonne pratique !

Libérer le larynx par la détente du cou

Pourquoi détendre les muscles du cou ?

Un moyen puissant de libérer le larynx consiste à détendre les muscles qui l’environnent, à savoir les muscles passant par le cou.

Il se trouve en effet que, dans le corps humain, les crispations d’un muscle tendent à se propager aux muscles environnants. A contrario, détendre des muscles, en l’occurrence ceux du cou, aide à détendre les muscles environnants, ici ceux du larynx.

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Le larynx est situé sous l’os hyoïde, et est entouré de nombreux muscles.

En outre, détendre les muscles du cou facilite l’élargissement et la flexibilité du pharynx, le « tuyau » situé au-dessus du larynx et qui mène à la bouche et au nez, et qui constitue le premier espace de résonance de la voix. Donner de la place au pharynx lui permet d’adapter sa forme aux besoins de résonance de la voix, ce qui en améliore la puissance et la qualité du timbre.

Comment détendre les muscles du cou ?

Un prérequis : la tête à l’équilibre sur la colonne vertébrale

Pour détendre les muscles du cou, la tête doit être droite, au point d’équilibre au sommet de la colonne vertébrale, ce qui lui permet de se maintenir sans action des muscles du cou. Elle doit être droite sans raideur car, vous l’aurez compris, la raideur consiste en une tension forte de muscles, que nous souhaitons éviter.

Ce prérequis étant posé, il existe trois principales façons d’obtenir la détente du cou : par le mouvement, par le toucher et par le sens kinesthétique. Chacun de ces moyens permet également de vérifier que le cou est toujours détendu pendant que vous chantez. La suite de cet article présente ces trois façons de détendre les muscles du cou ; toutes trois s’appliquent également aux autres muscles impliqués dans le chant : muscles de la mâchoire, langue, aux abdominaux… et même aux différents muscles du larynx.

Obtenir et vérifier la détente en faisant de petits mouvements lents

Il est fréquent, chez les personnes qui apprennent le chant, qu’un muscle soit spontanément tendu, voire crispé, en station debout et/ou en chantant. Il convient de redonner à ce muscle de la mobilité et de la détente. Un bon moyen pour ce faire consiste à le solliciter sur des mouvements continus, de faible amplitude et de faible vitesse.

Concernant le cou, vous pouvez par exemple faire « Oui » de la tête, avec un mouvement lent (une seconde vers l’avant, une seconde vers l’arrière) et de faible amplitude (le menton bouge de 2 cm). Vous ferez ensuite « Non », puis des hochements latéraux, puis des rotations.

Vous pourrez reproduire ces mêmes mouvements lorsque vous chantez. Cela oblige votre corps à maintenir les muscles du cou plutôt détendus, et donc à trouver l’énergie dont il a besoin à des endroits plus pertinents.

Obtenir et vérifier la détente en touchant le cou

Voici un autre moyen de mettre en place et de contrôler la détente des muscles du cou : poser paisiblement une ou deux mains autour du cou. (Paisiblement car, là encore, on ne souhaite pas que le nécessaire mouvement d’élévation de la main et du bras entraîne également une élévation de l’épaule, et donc une tension de certains muscles du cou !) Les muscles du cou étant pour beaucoup longs et fins, si un ou plusieurs d’entre eux est tendu, on sent comme une corde tendue sous la peau, et il convient alors de la détendre, en faisant cesser la tension ou en affinant le positionnement de la tête à son équilibre.

Vous pouvez contrôler cette détente lorsque vous êtes debout sans chanter dans un premier temps. Surtout, vous pouvez contrôler cette détente lorsque vous réalisez un exercice vocal et lorsque vous chantez.

Obtenir et vérifier la détente par les sensations internes

L’idéal pour un.e chanteur.se est de sentir lorsque son cou est tendu ou crispé, de façon interne, c’est-à-dire sans toucher ni bouger le cou. Il convient pour cela d’affiner sa perception interne de l’état de ses muscles, appelée proprioception ou kinesthésie. Comme l’ouïe, la proprioception se développe en s’en servant ; il s’agit de porter régulièrement son attention sur les muscles (en l’occurrence, ceux du cou) : sont-ils détendus ? crispés (auquel cas on peut les détendre) ? Interviennent-ils dans ma production vocale ?

Une vérification régulière de la détente du cou permet de l’ancrer

Détendre le cou est relativement facile. Le maintenir détendu dans des nuances forte ou en chantant des notes aigües est plus difficile (selon les physiologies, il se peut même que ce soit impossible pour l’extrême fort/aigu). Je vous invite à vérifier fréquemment la bonne détente du cou, plusieurs fois par séance de travail ou par répétition.

Le maintien du cou détendu va forcer votre corps à trouver d’autres moyens pour chanter ce que vous souhaitez tout en conservant la liberté du larynx, et il y a de bonnes chances pour que lesdits moyens se rapprochent davantage d’une technique vocale efficace et saine. Bonne pratique !

Comment le larynx génère-t-il du son ?

Parmi les premières choses à comprendre lorsque l’on apprend à chanter se trouve l’anatomie et le fonctionnement du larynx, cet ensemble de cartilages et de muscles qui produit le son à l’origine de la voix. Je vous propose pour ce faire de visionner la vidéo ci-dessous.

On en retiendra principalement que le larynx contient 2 cordes vocales, mieux nommés « plis vocaux », qui peuvent :

  • S’éloigner pour laisser passer l’air, notamment lors de l’inspiration
  • S’accoler (se toucher) pour forcer l’air à passer par intermittence (séparant brièvement les plis vocaux au passage), à un rythme soutenu de plusieurs centaines de passages d’air puis de fermeture des plis vocaux par seconde, ce qui produit un son dit « voisé »

Une bonne partie du travail de technique vocale consistera alors à :

  • Apprendre à accoler ces plis vocaux
  • En amont (en-dessous) des plis vocaux, stabiliser l’alimentation en air, pour que la pression qu’il exerce sous les plis vocaux soit aussi continue que possible, afin que les muscles des plis vocaux ne se distraient pas pour compenser des variations de pression inopportunes, et puissent se concentrer sur leur tâche de définition de la hauteur et de la puissance du son
  • En aval des plis vocaux :
    • Donner un espace de résonance suffisant pour que le son produit par les passages d’air intermittents soit amplifié
    • Articuler voyelles et consonnes sans perturber le larynx, malgré l’existence de liens musculaires entre celui-ci, la langue et la mâchoire

Bien exécutés, ces gestes libèreront le larynx de toute tension distrayante, lui permettant ainsi d’émettre des sons de façon saine et efficace.