Vers quoi tourner l’oreille en concert ou en répétition ?

Vous assistez à un concert, ou bien vous participez à une répétition et ne chantez pas, pour quelques minutes ou quelques heures ? Une occasion privilégiée s’offre à vous pour affiner votre écoute et votre goût ! Cet entraînement est au moins aussi important que celui de la voix : l’écoute éclairée de votre propre voix est absolument nécessaire pour guider le travail de technique vocale et d’interprétation.

Remarquons d’abord que vous entraînerez d’autant mieux votre écoute que vous la dirigerez vers quelque chose de précis.

Commençons par l’un des principaux éléments que nous recherchons dans la musique et sur lequel je suggère de porter votre attention de façon prioritaire : quelles émotions sentez-vous naître ?

Listons ensuite d’autres cibles d’écoute, classées selon le type de musicien.ne.s que vous écoutez.

Vous écoutez un.e chanteu.se soliste (ou un duo, trio, quatuor…) :

  • Musicalité :
    • L’interprétation vous semble-t-elle caractéristique d’une période ou d’un style (ornementation baroque, épanchement dramatique type opéra italien…) ?
    • Quelles particularités discernez-vous dans son timbre (riches harmoniques graves (rondeur) ou aigües (métal), voix nasale ou très en gorge…) ? Ces particularités renforcent-elles l’effet dramatique ? Les appréciez-vous ?
    • Quel peut être leur type de voix (soprane, mezzo, alto, ténor, baryton, basse) ?
    • Le langage corporel renforce-t-il l’effet dramatique ?
  • Technique :
    • Comment le corps est-il mis à contribution technique ? Observer les éventuels mouvements au niveau des épaules, du cou, de la mâchoire, de la face.
    • La voix est-elle puissante ? Quelle palette de nuances est-elle utilisée ? Par quel moyen (autre que le changement de puissance vocale) les nuances sont-elles interprétées ?
    • La voix émet-elle du vibrato ? De quelle rythme et de quelle amplitude ? Ce vibrato semble-t-il naturel et libre, ou au contraire obtenu en force ?
    • S’il y a plusieurs solistes, leurs timbres sonnent-ils ensemble ou de façon très distincte ?

Vous écoutez un choeur :

  • Musicalité :
    • Distinguez-vous les différents pupitres (notamment les altos et ténors, plus difficiles à repérer) ? Certains pupitres ressortent-ils plus que d’autres, ou au contraire, les pupitres sont-ils équilibrés ?
    • Le son d’ensemble est-il homogène (couleur des voyelles, éventuelles disparités de niveau technique, vibrato) ?
    • Quel phrasé (aux échelles d’une phrase musicale et de l’accentuation tonique des mots) a-t-il été choisi ?
    • Quelle palette de nuances est-elle exploitée par le choeur ? Les fortissimos sont-ils passés en force ? Jusqu’où le choeur va-t-il dans les pianissimos ?
  • Technique :
    • Les aigus sont-ils émis avec aise ? Les graves rayonnent-ils librement ou sont-ils appuyés ?
    • Le rythme est-il précis (consonnes, débuts et fins de son) et la prononciation intelligible ? Quelles conséquences sur l’effet dramatique et sur votre niveau d’attention ?

Vous écoutez un ensemble instrumental ou un orchestre :

  • Richesse instrumentale :
    • Quel est l’effectif (quels sont les différents instruments présents) ? Distinguez-vous les différents instruments ?
    • En quoi le timbre spécifique à chaque instrument (notamment les solistes) sélectionné par le compositeur favorise-il l’effet dramatique et l’émotion recherché.e.s ?
  • Musicalité :
    • Les différents pupitres (notamment chez les instruments à cordes frottées : violons 1, violons 2, altos, basses) sont-ils équilibrés ?
    • Les instruments (notamment les cordes frottées) jouent-ils sur leur timbre ?
    • Comment les crescendos et decrescendos sont-ils obtenus ? (Intensité du jeu des instruments, ajout progressif de nouvelles familles d’instruments…)
  • Composition :
    • Quelle est la structure de la pièce ? Est-elle découpée en plusieurs parties, avec chacune leur caractère, leur tempo… ?
    • Ecoutez les thèmes qui sont répétés plusieurs fois. Qu’évoquent-ils pour vous Par quels instruments sont-ils joués ? Le thème est-il modifié au cours de la pièce (on parle de variations ou de monnayage) ?
    • Y a-t-il des échanges (de type question-réponse, reprise/imitation d’un thème…) entre divers groupes d’instruments (instrument soliste et orchestre, violons 1 et violons 2…) ?

Vous êtes en répétition et ce n’est pas à vous de chanter :

En plus de tout ce qui a été cité ci-dessus :

  • Est-ce que je chante quelque chose en même temps (auquel cas je peux m’entraîner à le chanter de tête) ?
  • Est-ce que l’un des instruments double ma voix (auquel cas il constitue un bon point de repère pour la mise en place (départs…) et un exemple d’interprétation) ?

 

De façon générale, un.e musicien.ne qui souhaite progresser a presque toujours quelque chose à apprendre des autres musicien.ne.s autour de lui. Je vous souhaite une belle chasse aux pépites sonores !

Le maintien, père de l’équilibre et de la détente

Cet article présente une position adaptée au chant lyrique. Il passe en revue 5 zones du corps et présente pour chacun une position qui favorise l’équilibre, permet la détente générale et libère la tonicité des muscles impliqués dans le chant.

1) Positionner le centre de gravité du corps au centre des voûtes plantaires

Les pieds sont légèrement écartés de sorte de se trouver sous l’articulation de leur hanche.

On cherche à positionner le centre de gravité au-dessus du centre des voûtes plantaires, de sorte de :

  • Favoriser l’équilibre
  • Minimiser les efforts musculaires à accomplir pour maintenir la posture

Pour ce faire, vous pouvez :

  • Vous mettre debout et fermer les yeux
  • En focalisant votre attention sur les sensations de vos plantes de pieds, déplacer votre corps lentement, à gauche, puis à droite, puis en revenant à la position médiane d’équilibre
  • Puis déplacer votre corps en avant, en arrière, et revenir lorsque vous sentez que le poids du corps est centré sur vos voûtes plantaires

La recherche de ce centre de gravité focalise notre concentration sur nos sensations intérieures, ce qui :

  • Réduit la nervosité venant de journées de travail sollicitant grandement notre réactivité
  • Développe nos perceptions kinesthésiques (perception de la position et du mouvement)
  • Favorise la canalisation de notre énergie dans des mouvements utiles à l’émission vocale

2) Déverrouiller les genoux et donner au bassin une orientation médiane

Une position des genoux verrouillée en arrière tend à :

  • Cambrer le bassin, ce qui réduit la marge de manoeuvre des abdominaux, muscles expirateurs très employés en chant lyriques
  • Raidir la posture, ce qui ne facilite pas l’équilibre et la stabilité

Les genoux seront donc déverrouillés, c’est-à-dire à environ 5 cm devant la position de verrouillage en arrière.

En conséquence, la jambe est légèrement inclinée vers l’avant, et la cuisse est verticale, à la verticale de la voûte plantaire.

Le bassin est dans une position intermédiaire entre l’antéversion (cambrure) et la rétroversion, laissant aux muscles posturaux (dorsaux, abdominaux) une souplesse de fonctionnement (ch. schéma ci-contre1).

3) Positionner le torse de façon verticale et allonger la colonne vertébrale

Un torse non vertical perturbe l’équilibre du corps et mobilise inutilement des muscles posturaux, ce qui risque de raidir les muscles respiratoires proches.

En outre, une colonne vertébrale penchant vers l’arrière limite l’amplitude de la respiration. Vous pouvez en faire l’expérience :

  • En inspirant dans une position normale, puis…
  • En inspirant dans une position penchée vers l’arrière

Vous pouvez affiner cette verticalité en espaçant verticalement les vertèbres (la marge de manoeuvre est limitée, de l’ordre du millimètre, mais pas nulle). Pour ce faire, balayez de votre attention votre colonne vertébrale de bas en haut : lombaires, dorsales, cervicales.

Cette verticalisation doit se faire en souplesse : l’objectif est d’assurer un équilibre et une ouverture de la zone respiratoire ; il convient d’éviter toute crispation.

4) Détendre le cou ; détendre les épaules et les ouvrir dans le sens latéral

Le thorax est lié à la tête par de nombreux muscles (cf. schéma ci-contre2) :

  • Sterno-cléio-occipito-mastoïdien (SCOM)
  • Scalènes (attachées aux cervicales et tirant les deux premières côtes vers le haut)

Bien utilisés, ces muscles peuvent contribuer à l’inspiration ; cela dit, cette contribution est minime et risque de crisper par voisinage les muscles du larynx.

Vous pouvez en faire l’expérience :

  • Enveloppez l’avant de votre cou avec votre main
  • Inspirez en élevant votre cage thoracique
  • Sentez avec votre main la crispation de certains muscles du cou

On préfèrera inspirer latéralement plutôt que verticalement.

Par ailleurs, les épaules seront positionnées de façon dite « ouverte », au sens où elles pointent vers les côtés du corps. Cette position offre 2 avantages :

  • Elle est esthétique
  • Elle favorise l’amplitude respiratoire en tirant vers le côté le petit pectoral (cf. illustration ci-dessous3), muscle reliant l’omoplate à 3 côtes et qui les ouvre en anse de seau 3 des côtes situées sous les clavicules

Petits pectoraux

Si vos épaules sont spontanément voûtées vers l’avant, vous pourrez redonner de la mobilité à l’épaule et au petit pectoral en étirant vos bras vers le haut.

Point d’attention : évitez de tirer les épaules à l’arrière et de bomber excessivement le torse ; une telle position sollicite beaucoup les muscles et peut donner l’air hautain.

Les épaules sont liées à la tête par le trapèze. Ce muscle puissant tend à désorganiser la posture en rapprochant les épaules et en télescopant le cou. On préfèrera détendre le trapèze et laisser d’autres muscles posturaux du cou assurer son maintien. C’est ce que font spontanément de nombreux choeurs qui pratiquent le massage réciproque en cercle.

5) Positionner la tête à l’équilibre au sommet de la colonne vertébrale

La tête doit reposer à l’équilibre au sommet de la colonne vertébrale, ce qui permet notamment de limiter la sollicitation des muscles posturaux du cou, et donc de favoriser la liberté de mouvement du larynx.

Pour ce faire, vous pouvez :

  • Fermer les yeux
  • Réaliser des mouvements de la tête lents et de faible amplitude, de gauche à droite, en portant votre attention sur le niveau de tonicité des muscles du cou et en repérant le moment où la tête est dans sa position la plus équilibrée
  • Puis répéter avec un mouvement selon l’axe avant-arrière

La position de la tête doit également favoriser l’élargissement du conduit pharyngé, « tuyau » situé immédiatement au-dessus du larynx et premier résonateur de la voix. Un positionnement de la tête trop en arrière de la tête tend à compresser le pharynx ; la voix perd alors en richesse harmonique.

« Maintien » plutôt que « posture » : vers un équilibre tonique plutôt qu’une posture hiératique

Les éléments de maintien exposés précédemment visent à favoriser :

  • L’équilibre
  • La détente, préalable à la tonicité des muscles à solliciter pour le chant (XXX lien vers autre article)
  • La concentration et la baisse de la nervosité

Le terme de « posture », souvent utilisé, et les 5 éléments de maintien que je cite, peuvent tendre à rigidifier le corps d’un.e chanteur.se débutant.e, à monopoliser sa concentration et à aboutir à une position raide, hiératique et peu naturelle. Il convient de comprendre l’intérêt de ces 5 éléments, et d’y porter attention de temps en temps, par exemple en tout début de répétition ou de travail technique, pour que le corps les intègre et se meuve ensuite en liberté sans nuire à l’émission vocale.

On fera simplement attention à éviter les syncinésies, ces mouvements qui accompagnent le chant en croyant y contribuer mais qui ne contribuent pas, voire gênent :

  • Monter la tête en allant vers l’aigu
  • Accompagner une vocalise d’un geste en pensant la faciliter…

Les syncinésies sont fréquentes dans les pièces sollicitantes (changements de nuances dynamiques, tessiture large, pièces très engageantes…) ou en présence d’un chef de choeur très démonstratif.

Cela dit, on pourra laisser cours aux mouvements interprétatifs spontanés.

Le maintien, reflet de notre bien-être

Notre maintien reflète notre bien-être et le fait que nous nous sentons confiant.e.s et à notre place. Il invite également votre public à se sentir heureux et à son aise, aussi je vous encourage à lui faire ce cadeau !

1 L’excellent ouvrage « La voix, un art et un métier » de Cécile Fournier contient un schéma présentant une position favorable au chant. L’ouvrage étant à ma connaissance épuisé, je me permets de reproduire ledit schéma, en remerciant Mme. Fournier pour son travail clair et de qualité.

2 Source : By Berichard GFDL or CC BY-SA 3.0, via Wikimedia Commons

3 Source : « BodyParts3D, © The Database Center for Life Science licensed under CC Attribution-Share Alike 2.1 Japan. »

Aller plus loin : une sélection de livres et de sites

Que lire pour en apprendre davantage sur la voix ?

 

Les bases de la technique vocale

Anatomie pour la voix : Les fondations anatomiques universelles

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S’il n’y avait qu’un seul ouvrage à retenir, un ouvrage à lire par tou.te.s les débutant.e.s en chant, ce serait « Anatomie pour la voix ». Il est riche de 300 pages illustrant chaque organe (os, muscles, cartilages) impliqué dans l’émission vocale, son rôle, sa forme et sa localisation par des images très claires, souvent complétées par des indications sur la façon dont vous pouvez les découvrir et des bonnes pratiques de technique vocale.

Il existe de nombreuses façons de chanter, même en chant lyrique (la définition de la voix mixte ne fait pas l’unanimité, celle du soutien non plus…). Dans cette masse d’indications pas toujours cohérentes, l’ouvrage des Calais-Germain fait figure de repère sûr et universel : sauf cas exceptionnel, nous disposons tou.te.s des mêmes organes !

Anatomie pour la voix, de Blondine Calais-Germain et François Germain, éditions désiris, 34,50 €

 

Une fois ces bases anatomiques et physiologiques posées, le meilleur ouvrage traitant de pédagogie lyrique et accessible à un.e débutant.e à ma connaissance est…

La voix, un art et un métier : pour l’élève débutant et la.le professeur.e de chant

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Cet ouvrage présente le fonctionnement de la voix selon une approche progressive, par paliers de difficulté, en associant la théorie (anatomie, analyse fonctionnelle…) à des exercices, structurés selon les différents paliers d’acquisition de la technique vocale lyrique.

« Cécile Fournier […] a effectué […] des études scientifiques qui lui ont laissé le goût de l’analyse logique et des raisonnements concrets. » Le scientifique en moi a vivement apprécié :

  • L’approche progressive et accessible
  • Le caractère très complet et pragmatique de l’ouvrage ; citons notamment :
    • p. 222 : Les 31 erreurs les plus fréquentes et comment les corriger
    • p. 235 : Une proposition de cursus d’étude synthétisant, pour chacun des 4 niveaux de progression, les éléments à acquérir et le répertoire accessible
    • Les nombreux schémas très clairs

Un très bon ouvrage accessible aux chanteur.se.s débutant.e.s motivé.e.s, et un très bon repère pour un.e professeur.e de chant !

La voix, un art et un métier, de Cécile Fournier, CCL éditions – collection Jardins d’Isère (épuisé, trouvable d’occasion à un prix élevé, que le contenu vaut bien !)

 

Eléments avancés pour chanteur.se.s expérimenté.e.s

Les deux ouvrages précédents étant assimilés, les chanteur.se.s avancé.e.s et les professeur.e.s de chant tireront profit de la lecture du blog, des livres et du site Web présentés ci-après.

 

Carnets sur sol : blog érudit et très, très complet

Carnets sur sol est un blog tenu par David Le Marrec, dont je peine à trouver une biographie, mais qui est visiblement fort érudit sur le sujet de la voix lyrique, et aborde des thématiques aussi vastes que l’histoire de la musique, les genres musicaux, une présentation des catégories vocales, des éléments de technique vocale

Rédigés dans un style et un vocabulaire très personnels, les articles (appelés « notules ») pourront dérouter les chanteur.se.s débutant.e.s ; l’auteur apprécie visiblement les explications détaillées et exhaustives, et sera sans doute apprécié des mélomanes averti.e.s.

Je suis reconnaissant à David Le Marrec pour son impressionnant travail, et notamment pour le soin pris, dans ses articles de technique vocale, à assembler de nombreux exemples sonores, qui s’avèrent clairs et précieux !

Structure du chant : Une somme académique précise et structurée

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Riche de près de 400 pages, cet ouvrage de Richard Miller, rédigé en 1986, reste un ouvrage de référence, au point qu’il a été réédité par la Philharmonie de Paris en 2015.

Rédigé dans un style très académique, il fait usage d’un vocabulaire scientifique et anatomique extrêmement précis, sans chercher à le rendre plus accessible (j’ai un coup de coeur pour le chapitre VII « Equilibrer les résonances à l’aide des consonnes non nasales » et ses 9 paragraphes aux intitulés aussi raffinés que « Utilisation de la continue sonore linguo-antéro-palatale [j] »).

Les chanteur.se.s qui feront l’effort d’assimiler le vocabulaire employé bénéficieront d’une mine d’informations précises et structurées sur tous les aspects de la technique vocale lyrique. Je le recommande particulièrement aux professeur.e.s de chant et aux chercheur.se.s travaillant sur la voix.

 

VoiceScienceWorks : Les dernières avancées sur les sciences de la voix rendues accessibles… aux anglophones

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« At VoiceScienceWorks we take contemporary research on the voice and translate it into directly applicable information so that you, the voice user, can immediately apply it in your practice. » Tout est dit, et VoiceScienceWorks tient sa promesse !

Les lecteur.rice.s anglophiles apprécieront la présentation attractive des contenus et la très riche liste de sites Web et d’ouvrages anglophones sur le sujet de la voix.

La Voix libérée : La passion d’une thérapeute de la voix

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Mon tropisme pour la rigueur scientifique et la structuration m’a poussé à présenter des ouvrages grandement imprégnés de culture scientifique. Je conclurai cet article par un ouvrage d’une professeure de chant et thérapeute passionnée par son métier. Cet ouvrage déborde d’enthousiasme et d’anecdotes ; moins structuré que « Structure du chant », sa plus grande spontanéité est efficace à sa manière – à titre d’exemple, la description du trille comme étant le fait de « battre la luette » s’avère concise et très opérante.

La Voix libérée, Yva barthélémy, éditions Robert Lafont, collection Réponses, 21,50 €

 

Clôturons ici cette sélection d’ouvrages. Elle privilégie la sélectivité à la quantité ; cela étant dit, un.e lecteur.rice qui repèrerait un ouvrage majeur manquant à cette liste pourra me le signaler (en commentaire ou via la rubrique Contact).

Belle exploration de l’univers de la technique vocale lyrique !

Soutien vs. appui : la lutte vocale

Votre professeur.e de chant ou votre chef.fe de choeur vous a peut-être déjà demander de « soutenir » dans l’aigu, de mettre plus d' »appui », ou de façon plus métaphorique, de « chanter en inspirant », de « boire la voix »… À quelles actions musculaires fait-elle.il référence ?

Objectifs de l’appui et du soutien : agilité vocale et longueur de souffle

Pour produire une note donnée à une puissance donnée, le larynx doit être alimenté par une certaine pression d’air dépendant de la note émise et de sa puissance. Cette pression sera :

  • Plus importante pour des notes aigües que pour des notes graves
  • Plus importante pour des notes forte que des notes piano (en prenant soin d’éviter tout forçage)

En conséquence, lorsqu’un.e chanteus.e souhaite chanter des notes différentes, ou varier l’intensité de sa voix, son système respiratoire doit s’adapter :

  • Rapidement
  • Précisément

En outre un.e chanteur.se est souvent amené.e à chanter des phrases longues ou à tenir longtemps une note. Le système respiratoire doit donc économiser l’air qu’il fournit au larynx.

Soutien et appui

La technique de la lutte vocale permet de satisfaire à ces objectifs. Son nom vient du fait qu’elle met en œuvre simultanément deux mécanismes respiratoires opposés :

  • Le soutien, qui tend à faire expirer
  • L’appui, qui tend à faire inspirer

Plus précisément, le soutien consiste à tendre les muscles expirateurs, à savoir :

  • Tous les abdominaux (grand droit, obliques externe et interne, transverse)
  • Les intercostaux internes
  • Les deux sphincters du périnée 1 (non représentés sur l’illustration ci-dessus)

A l’opposé, l’appui consiste à tendre certains muscles inspirateurs que sont :

  • Le diaphragme
  • Les intercostaux externes
  • Les grands et petits pectoraux
  • Les surcostaux (reliant la colonne vertébrale aux côtes)

Le fait de réaliser simultanément le soutien et l’appui permet de répondre aux objectifs :

  • D’agilité vocale : dans la mesure où les 2 ensembles de muscles inspirateur et expirateur (dont l’effet est donc opposé) sont activés simultanément, ils peuvent s’ajuster rapidement aux variations du besoin de pression d’air sous-glottique, besoins qui peuvent évoluer rapidement lors de l’exécution d’un air
  • De longueur de souffle : employer également les muscles inspirateurs ralentit l’expiration d’air, ce qui permet de chanter plus longtemps

Je vous souhaite une belle exploration de vos différents muscles inspirateurs et expirateurs !

1 L’action du périnée est notamment utile pour soutenir les viscères. Sans cela, l’action des muscles abdominaux tendrait à les déplacer vers le bas, ce qui peut notamment être dommageable chez les femmes. L’action du périnée conduit à remonter les viscères, qui vont pousser le diaphragme de bas en haut, favorisant l’expiration.

La voix mixte : un mécanisme de poitrine adouci par des résonances de tête

Pourquoi employer la voix mixte en chant lyrique ?

On l’a vu dans un article précédent : le chant lyrique emploie principalement deux mécanismes d’émission du son : le mécanisme 1/de poitrine et le mécanisme 2/de tête. Pour une personne donnée, et pour simplifier, ces 2 mécanismes sont séparés par une note dite « de passage », au-dessus de laquelle un chanteur non entraîné est dans l’obligation de passer en mécanisme 2/de tête.

En variété, il est courant de chanter en mécanisme de poitrine, et de passer directement en mécanisme de tête sur une note aigüe.

L’esthétique lyrique préférera rendre la montée dans l’aigu, et donc le passage d’un mécanisme à l’autre, aussi progressifs que possible.

Une définition de la voix mixte

On prendra dans la suite de cet article l’exemple d’une voix masculine, dans laquelle le phénomène est plus marqué. Lorsqu’il monte dans l’aigu de sa voix, le chanteur lyrique, à l’approche du passage puis dans les quelques tons suivant son franchissement, modifie progressivement le positionnement des espaces de résonance du son, pour que le son résultant commence à ressembler à un mécanisme 2/de tête, tout en conservant un fonctionnement du larynx en mécanisme 1. En poursuivant sa montée, il finira par passer en mécanisme 2/de tête. Comme il accomplit souvent ce passage en profitant d’une interruption du son vocalique (consonne non voisée), on n’entendra pas de cassure du son, et la différence sera donc à peine perceptible.

Résumons les 3 étapes de la montée dans l’aigu d’une voix d’homme :

  • Mécanisme 1, résonances « de poitrine »
  • Autour du passage : mécanisme 1, de plus en plus de résonances de tête
  • Mécanisme 2, résonances « de tête »

C’est donc la seconde étape qui constitue la voix mixte, et qui fait intervenir le mécanisme 1 et des résonances « de tête ».

Pour aller plus loin

Il est à noter que, d’un.e chanteur.se.s et d’un.e professeur.e.s à l’autre, la définition, la pratique et la pédagogie de la voix mixte peuvent grandement varier.

Pour certain.e.s, et c’est la thèse présentée ici par souci de simplicité, la voix mixte est constituée du mécanisme laryngé 1, au-dessus duquel on modifie la forme des espaces de résonance.

Signalons que certain.e.s chanteur.se.s ont développé 2 voix mixtes :

  • L’une part du mécanisme 1 et tente d’imiter le son du mécanisme 2
  • L’autre part du mécanisme 2 et tente d’imiter le son du mécanisme 1

Sylvain LAMESCH a publié en 2006 une étude tentant de caractériser ces deux voix mixtes (voir la conclusion p. 57) chez deux chanteur.se.s. L’étude fait état de mesures qui semblent distinguer le mécanisme laryngé 2 d’un mécanisme laryngé mixte (proche et différent du mécanisme 2).

Au contraire, pour Richard Miller (Structure du chant, p. 163), la voix mixte constitue bien un mécanisme laryngé intermédiaire entre les mécanismes 1 et 2, consistant à commencer, avant le passage, un allongement des cordes vocales (tout en maintenant lesdites cordes en tension comme en mécanisme 1), préparant ainsi la transition vers le mécanisme 2.

Ces différentes descriptions de la voix mixte constituent un exemple de ce que la technique vocale lyrique n’est pas unique : elle diffère d’un.e chanteur.se et d’un.e professeur.e à l’autre, et évolue avec le temps. Ce constat plaide en faveur d’une ouverture d’esprit quant aux différentes techniques vocales et aux pédagogies correspondantes. Il éclaire également le défi que constitue le passage d’un.e professeur.e à l’autre, en ce que l’élève peut se voir enseigner des éléments de technique non compatibles avec sa pratique actuelle – ce qui ne peut qu’enrichir sa palette technique !

Les différents états des muscles et leur utilité en chant lyrique

Un.e chanteur.se lyrique chante sans micro, et peut être amené.e à chanter un total d’environ une heure, dans des conditions qui peuvent être fortement sollicitantes : soliste dont la voix doit être perçue distinctement de l’orchestre et/ou du choeur qui l’accompagnent, chant tous les soirs durant plusieurs semaines au cours d’une production…

Pour pouvoir tenir la durée du concert, et surtout pour préserver son appareil vocal (et notamment ses cordes vocales) durant toute une carrière, il.elle développe une technique qui doit être efficace ; il.elle ne doit pas seulement chanter « fort », il.elle doit pouvoir le faire longtemps.

Beaucoup d’éléments de cette technique vocale efficace nécessitent de comprendre la différence entre les états musculaires que sont le relâchement, la tonicité et la crispation. Je présenterai également les qualités des muscles : la souplesse, l’agilité et la force. Chacune de ces définitions sera accompagnée d’exemples d’utilisation en chant lyrique.

Les états musculaires : relâchement, tonicité et crispation

Les termes de relâchement, tonicité et crispation désignent le niveau d’effort fourni par le muscle, de plus en plus important :

RelachementToniciteCrispation

La crispation

Le muscle crispé est très fortement contracté, à un niveau proche de son état de tension maximal. Imaginez-vous tenter de soulever un objet très voire trop lourd pour vous, ou tenter d’extraire Excalibur de son rocher : si vous ne vous appelez pas Arthur, vous allez tirer de toutes vos forces, sans que l’épée ne bouge.

Avantages :

  • Le muscle développe alors une force quasi-maximale

Inconvénients :

  • Un muscle crispé se fatigue très rapidement
  • Un muscle crispé trop longtemps et/ou trop fréquemment court le risque de se détériorer à terme
  • Un muscle crispé risque d’augmenter le niveau de tension des muscles environnants, ne serait-ce que pour maintenir la position de la partie du corps concernée

Cas d’utilisation en chant lyrique :

  • Quasi-inexistant ; on cherche précisément à éviter ces 3 inconvénients, que ce soit au niveau des musées de la respiration, du cou, du larynx ou de la tête, pour en préserver la santé

Le relâchement

A l’opposé du spectre, l’état de relâchement signifie que le muscle est parfaitement détendu. Il ne fait aucun effort pour se tendre.

Avantages :

  • Il ne se fatigue pas
  • Etant lui-même détendu, il ne risque pas de causer la contraction des muscles proches

Inconvénients :

  • Il est absolument passif et ne contribue donc pas au maintien ou à l’ajustement d’un équilibre (cf. la tonicité). En outre, un muscle relâché se mobilisera plus lentement qu’un muscle déjà tonique (cf. plus bas)

Cas d’utilisation en chant lyrique :

La tonicité

L’état tonique (ou tendu) est un état intermédiaire entre le relâchement et la crispation. En conséquence, il crée un mouvement, maintient un équilibre ou ralentit un mouvement contraire au sens d’élongation du muscle.

Avantages :

  • Le muscle tonique se fatigue et s’use bien moins rapidement qu’un muscle crispé
  • Il est naturellement plus réactif aux besoins d’ajustement du niveau de tension

Inconvénients :

  • Un muscle tonique se fatigue, quoique bien plus lentement que l’état de crispation
  • De même qu’un muscle crispé (mais de façon moins marquée), un muscle tonique peut entraîner des tensions non désirées dans les muscles proches

Cas d’utilisation en chant lyrique :

  • La technique de l’appui (appogio en italien) consiste notamment à maintenir toniques les muscles inspirateurs et expirateurs simultanément. Disons pour simplifier que les muscles expirateurs sont légèrement plus sollicités que les inspirateurs, ce qui provoque une pression sous les cordes vocales et permet de chanter. Pourquoi tonifier également les muscles inspirateurs ? Parce que le fait de maintenir ce tonus prépare l’ensemble des muscles à s’adapter plus rapidement à un besoin d’ajuster la pression d’air, par exemple pour réaliser un changement de nuance, de hauteur de note, ou pour réaliser des notes piquées (brèves et séparées)

Passons désormais aux qualités que l’on peut développer dans un muscle

Les qualités d’un muscle : souplesse, agilité et force

La souplesse

Un muscle souple est un muscle capable de s’allonger selon une grande longueur, offrant davantage de latitude de mouvement.

Cas d’utilisation en chant lyrique :

  • Le mécanisme 2/de tête permet d’atteindre des notes aigües en allongeant les cordes vocales. C’est plus facile à réaliser lorsque les muscles des cordes vocales sont souples.

L’agilité musculaire

Un muscle est agile lorsqu’il peut passer rapidement d’un état de tension (relâché, tonique [à différents degrés], voire crispé) à un autre.

Cas d’utilisation en chant lyrique :

  • Pour inspirer beaucoup d’air en peu de temps entre 2 phrases musicales, un chanteur détend très rapidement ses muscles expiratoires.
  • L’exécution d’une série de notes brèves et de hauteur différente (une vocalise au sens restreint du terme) emploie l’agilité des muscles du larynx ; on parle d’agilité vocale.
  • Comme évoqué plus haut, l’agilité des muscles respiratoires, offerte notamment par le maintien du tonus des muscles inspirateurs et expirateurs, permet de réaliser rapidement des changements de nuance, de hauteur de note, ou des notes piquées.

La force

Un muscle fort peut se contracter avec une grande intensité, et peut fournir une contraction modérée avec peu d’effort.

Cas d’utilisation en chant lyrique :

  • Le muscle interaryténoïdien, qui accole les cordes vocales, doit être suffisamment fort pour maintenir les cordes vocales accolées pendant l’acte vocal.
  • Les muscles respiratoires doivent être suffisamment forts pour fournir une pression d’air suffisante pour chanter des notes aigües et/ou fortes

Attention : Un chanteur débutant prudent développera une technique saine (bon accolement des cordes, ajustement dynamique de la pression sous-glottique selon les besoins, détente du cou, vibrato libre) avant de développer et utiliser la force des muscles respiratoires. Inverser ces étapes permet certes d’émettre rapidement des sons puissants, mais ils ne seront pas nécessairement agréables à l’oreille, et (cela va de pair) mettront à rude épreuve l’appareil vocal, risquant à terme de l’endommager.

Je vous invite à explorer les différents cas d’utilisation, et vous souhaite un entraînement vocal agréable et sain !

Voix de tête, voix de poitrine : des mécanismes produits par… le larynx !

Femmes et hommes sont capables d’émettre des sons de quatre façons différentes ; on parle de quatre mécanismes ou registres. Stéphanie Dumouch vous présente ces mécanismes en vingt secondes :

Le chant lyrique utilise essentiellement les deux mécanismes médians : poitrine et tête.

Le mécanisme de poitrine permet de chanter grave

La voix de poitrine, aussi appelée mécanisme de poitrine ou mécanisme 1, est un mode d’émission du son au cours duquel :

  • La longueur des plis vocaux ne varie pas avec la hauteur du son émis
  • C’est la tension des deux muscles thyro-aryténoïdiens (situés dans chaque pli vocal et qui longent chacun un pli) qui permet de moduler la hauteur du son : les muscles se tendent davantage dans l’aigu
  • Les plis vocaux sont épais, et la surface de contact entre les cordes a une hauteur de l’ordre de plusieurs millimètres
  • En conséquence, l’air se fraie un chemin le long de cette surface de contact, remontant comme des bulles (« puffs d’air ») entre les plis vocaux accolés – et ce plusieurs centaines de fois par seconde ! C’est cette fréquence de passage qui détermine la hauteur de la note. Le schéma ci-dessous présente 8 instantanés de la position des cordes vocales, vues du dessus puis vues en coupe verticale :
mechanisme_1
Dans la série de schémas du haut, les plis vocaux sont situés de part et d’autre de l’ouverture centrale. Dans la série du bas, les plis vocaux sont les 2 parties représentées en rose et qui se touchent dans la figure 1. (Les 2 autres plis situés au-dessus n’interviennent pas activement dans la formation du son. Pour cette raison, ils sont nommés « fausses cordes ».)

Ce mécanisme permet d’émettre des sons plutôt graves. En Europe, les hommes privilégient le mécanisme 1/de poitrine, à l’oral comme en chantant. Il est employé par les femmes à l’oral (mais pas de façon exclusive), ainsi qu’en chantant, en particulier par les chanteuses altos.

Le mécanisme de tête permet de chanter aigu

La voix de tête, aussi appelée mécanisme de tête ou mécanisme 2, est un mode d’émission du son au cours duquel :

  • La longueur des plis vocaux croît avec la hauteur du son, par une bascule vers l’avant du cartilage thyroïde (pomme d’Adam, présent également chez les femmes quoique moins visible), comme le montre l’illustration ci-dessous :
techniques-de-chant-448557
Observez le « filament » blanc partant de l’aryténoïde (l’espèce de tricorne) et qui s’attache à droite à la partie antérieure de la pomme d’Adam (ici vue en coupe). Il s’allonge lorsque la pomme d’Adam bascule vers l’avant (position représentée en pointillés).
  • Les plis vocaux sont plus longs donc plus fins, et leur zone d’accolement ressemble à un trait fin plutôt qu’à une surface de contact
  • En conséquence, les puffs d’air sont émis lors de l’ouverture (légère) des cordes vocales, comme l’indique le schéma ci-dessous :

mechanisme_2

Ce mécanisme 2/de tête permet d’émettre des notes plus aigües que le mécanisme 1. En Europe, il est employé essentiellement par les femmes, dans la parole comme en chant. On notera, en musique baroque, le répertoire écrit pour contre-ténor, chanté par des hommes en mécanisme de tête. Démonstration par notre Philippe Jaroussky national :

Adoucir le passage entre les mécanismes : la voix mixte

Lorsque l’on effectue l’exercice de la sirène, consistant à chanter une note grave et à monter progressivement dans l’aigu de la voix, il arrive un moment auquel la voix change soudainement de timbre : elle passe du mécanisme 1 au mécanisme 2. La note à laquelle se produit ce changement s’appelle le passage (ou grand passage). Elle diffère selon les personnes.

Pour des raisons esthétiques, les chanteur.se.s lyriques cherchent à atténuer cette inhomogénéité du timbre lors du passage. Ils développent pour cela la voix dite mixte, présentée dans un article dédié !

Brillant, métal, formant… Enrichir sa voix d’harmoniques aigües

On dit souvent d’une voix qu’elle est brillante, métallique… Ces termes décrivent une voix riche en harmoniques aigües.

Les harmoniques aigües enrichissent le timbre et rendent la voix plus audible. Elles permettent en outre à un chanteur lyrique d’être entendu distinctement d’un orchestre (en effet, quasiment aucun instrument n’est capable d’émettre lesdites harmoniques aigües à une telle puissance).

Entendre les harmoniques aigües d’une voix

Ecoutons d’abord cet extrait de La Sonnambula de Bellini, interprété par la grande basse Cesare Siepi :

Ecoutons maintenant le même extrait, après lui avoir appliqué un filtre ne laissant que les harmoniques aigües1 :

Avec ce filtre, la voix peut sembler fortement tronquée, et effectivement, on en a enlevé toute la partie grave (les harmoniques graves). On notera au passage que Cesare Siepi a beau avoir une voix grave, il émet aussi des harmoniques aigües. On dit qu’il a du « brillant », du « métal », dans la voix.

Un.e chanteur.euse lyrique cherche à émettre des harmoniques aigües, quelle que soit sa tessiture (de basse à soprane) et sur toutes les notes qu’il ou elle chante, y compris les notes graves.

Ecoutons enfin le même extrait, avec un filtre qui, au contraire, supprime les harmoniques aigües2 :

On reconnaît plus aisément la voix de Cesare Siepi ; elle sonne plus étouffée, comme dans du coton ; on ne peut plus la qualifier de « brillante » ou de « métallique ».

Je vous invite à réécouter le 2nd extrait (harmoniques aigües), puis à chercher à entendre ces harmoniques dans le 1er extrait, en vous aidant du 3ème (qui ne les contient pas). Cette formation de votre oreille vous aidera à repérer, à l’écoute, à quel point votre voix est riche en harmoniques aigües.

Les harmoniques aigües sont également appelées le « formant du chanteur« . Il s’agit, pour les plus physiciens des lecteurs, d’une plage de fréquence située aux alentours des 3000 Hz. Notons pour la petite histoire que les cris des bébés sont également riches en harmoniques aigües, ce qui explique qu’on les entende si bien ; à cet âge, elles sont situées aux alentours de 4000 Hz, et sont donc encore plus aigües que celles d’un.e chanteur.se.

Enrichir sa voix en harmoniques aigües

Pour un chanteur débutant, le premier moyen d’enrichir sa voix d’harmoniques, notamment aigües, consiste à accoler ses cordes vocales.

Cela étant acquis, un chanteur plus avancé pourra modifier le positionnement de son pharynx et de sa bouche pour amplifier les harmoniques aigües. D’après David Jones1, il convient d’écarter latéralement les piliers du voile du palais, situés de part et d’autre de la luette (merci Doctissimo pour l’illustration !) :

cavite-buccale

Vous pouvez tester les mouvements de l’arrière de la bouche devant un miroir, et les déclencher en amorçant un bâillement, ou en imaginant par exemple que vous laissez à l’arrière de la bouche (sous et en arrière du voile du palais) suffisamment d’espace pour une balle de golf.

Une autre façon de parvenir à un positionnement de l’arrière de la bouche qui enrichit le timbre en harmoniques aigües est d’expirer un peu d’air chaud comme si vous cherchiez à faire de la buée sur une vitre ou sur des lunettes. Vous pouvez vérifier avec votre main que l’air sort de façon uniformément chaude.

Bonne exploration !

1 Pour les passionnés de traitement du signal, j’ai appliqué un filtre passe-haut avec une fréquence de coupure de 2000 Hz et un gain de -48 dB par octave, à l’aide de l’effet High Pass Filter du logiciel Audacity.

2 J’ai appliqué un filtre passe-bas avec une fréquence de coupure de 1500 Hz et un gain de -48 dB par octave, à l’aide de l’effet Low Pass Filter du même logiciel.

3 Excellent professeur de chant new-yorkais, dont je recommande aux anglophones la page Facebook, riche en conseils de technique vocale avancée. Je profite de l’occasion pour le remercier pour ses contributions de qualité !

Accoler les cordes vocales pour enrichir le timbre

La plupart des chanteurs débutants chantent avec « de l’air dans la voix » :

On entend sur cet exemple comme un bruit d’expiration qui se superpose à la voix.

Ce bruit d’expiration vient de ce que les cordes vocales ne se touchent pas sur toute leur longueur – on dit également qu’elles ne sont pas parfaitement accolées. En conséquence, l’air qui vient des poumons, compressé par le système respiratoire, fuite en permanence par l’espace ouvert entre les cordes vocales.

Ce bruit d’expiration peut être recherché en variété, car il peut exprimer de l’émotion et donner un sentiment d’intimité. La plupart du temps, les chanteur.se.s lyriques l’évitent, car cette fuite d’air épuise rapidement la réserve pulmonaire et diminue fortement la puissance vocale. Ils préfèrent accoler leurs cordes vocales, comme dans l’exemple suivant :

La vidéo ci-dessous, en anglais, propose une vue du dessus des cordes vocales et de certains des différents mouvements qu’elles peuvent réaliser (notamment à partir de 1:29). Elle illustre notamment le rôle des 2 petits cartilages aryténoïdes dans le rapprochement des cordes vocales.

Explorer les différents degrés d’ouverture des cordes vocales

Vous pouvez expérimenter le degré d’ouverture le plus large en inspirant par la bouche : les cordes s’écartent largement pour laisser passer rapidement une grande quantité d’air. Dans l’exemple ci-dessous, j’inspire à 4 reprises la même quantité d’air, en écartant de plus en plus les cordes vocales ; l’inspiration s’entend de moins en moins :

Vous pouvez ensuite placer vos cordes vocales dans une position partiellement accolée, en chantant avec du souffle dans la voix :

Vous pouvez, à l’autre extrême, accoler très fortement les cordes et bloquer tout passage d’air. Votre corps le fait spontanément lors d’efforts musculaires importants, par exemple lorsque vous soulevez une charge lourde… ainsi que lors de la défécation. Si vous émettez ensuite un son, par exemple la voyelle A, alors les cordes vocales vont s’ouvrir brutalement et libérer l’air sous pression qu’elles retenaient, provoquant un (léger !) son explosif, aussi appelé « attaque glottique » (à faire à titre exploratoire uniquement, et non comme exercice) :

Vous l’aurez entendu, le son qui suit l’attaque glottique est plutôt dur et peu agréable.

Accoler suffisamment les cordes vocales

Exercice 1 : début de son coordonné

L’objectif de cet exercice est de produire plusieurs sons A d’affilée :

Il consiste à rechercher le point frontière situé entre l’attaque (début de son) sur le souffle d’une part et l’attaque glottique d’autre part. Ce point frontière est celui auquel les cordes s’accolent entièrement dès le début du son, sans être trop appuyées l’une contre l’autre.

Commencez par des attaques avec du souffle : commencez à expirer et ajoutez un son A, en étant attentif.ve à vos sensations au niveau du larynx (pomme d’Adam) :

Puis émettez des sons A commençant par une attaque glottique ; portez la même attention au larynx :

Enfin, produisez le son recherché, un son A qui débute sans bruit d’expiration préalable, et en supprimant l’attaque glottique :

Exercice 2 : stimulation des aryténoïdes

De mon expérience, l’exercice suivant produit plus d’effet lorsqu’il est bien exécuté ; il est aussi plus complexe (donc plus difficile) que le premier. En outre, il fait appel à la partie grave de la voix (« mécanisme lourd », aussi appelé « voix de poitrine ») ; or il se trouve qu’en France, beaucoup de femmes, habituées à entendre des voix féminines chanter dans la partie aigüe de leur voix, seront de prime abord peu à l’aise avec la partie grave. Il leur faudra prendre un peu de temps pour l’apprivoiser avant d’exécuter cet exercice.

Ledit exercice consiste à stimuler les aryténoïdes dans une position proche de la position d’accolement recherchée, par une sorte de son A guttural :

Bien que grave, ce son doit être réalisé sur une expiration dynamique (mais pas forcée).

A partir de ce son, il s’agit de faire monter la hauteur la voix de façon progressive et continue dans l’aigu, jusqu’à une note qui est confortable pour vous :

Le son est alors souvent plus riche en harmoniques, donc plus puissant, et votre réserve d’air s’épuise moins vite.

Note : monter progressivement la hauteur du son est en soi un exercice pas toujours naturel, et très utile par ailleurs pour améliorer votre maîtrise de votre appareil vocal. Vous pouvez par exemple imiter le son ascendant puis descendant d’une sirène de caserne de pompier.

Merci à la chaîne YouTube Bethea Medical Media pour sa vidéo pédagogique et à PASSEPORTSANTE.NET pour l’illustration de couverture, une belle vue de l’intérieur du larynx depuis le dessus et l’arrière ! Vous pouvez y distinguer les cordes vocales (qui fuient vers le fond), et à leur base, les 2 cartilages aryténoïdes, qui peuvent rapprocher les cordes vocales par déplacement latéral et/ou en tournant. Bonne pratique !

Libérer le larynx par la détente du cou

Pourquoi détendre les muscles du cou ?

Un moyen puissant de libérer le larynx consiste à détendre les muscles qui l’environnent, à savoir les muscles passant par le cou.

Il se trouve en effet que, dans le corps humain, les crispations d’un muscle tendent à se propager aux muscles environnants. A contrario, détendre des muscles, en l’occurrence ceux du cou, aide à détendre les muscles environnants, ici ceux du larynx.

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Le larynx est situé sous l’os hyoïde, et est entouré de nombreux muscles.

En outre, détendre les muscles du cou facilite l’élargissement et la flexibilité du pharynx, le « tuyau » situé au-dessus du larynx et qui mène à la bouche et au nez, et qui constitue le premier espace de résonance de la voix. Donner de la place au pharynx lui permet d’adapter sa forme aux besoins de résonance de la voix, ce qui en améliore la puissance et la qualité du timbre.

Comment détendre les muscles du cou ?

Un prérequis : la tête à l’équilibre sur la colonne vertébrale

Pour détendre les muscles du cou, la tête doit être droite, au point d’équilibre au sommet de la colonne vertébrale, ce qui lui permet de se maintenir sans action des muscles du cou. Elle doit être droite sans raideur car, vous l’aurez compris, la raideur consiste en une tension forte de muscles, que nous souhaitons éviter.

Ce prérequis étant posé, il existe trois principales façons d’obtenir la détente du cou : par le mouvement, par le toucher et par le sens kinesthétique. Chacun de ces moyens permet également de vérifier que le cou est toujours détendu pendant que vous chantez. La suite de cet article présente ces trois façons de détendre les muscles du cou ; toutes trois s’appliquent également aux autres muscles impliqués dans le chant : muscles de la mâchoire, langue, aux abdominaux… et même aux différents muscles du larynx.

Obtenir et vérifier la détente en faisant de petits mouvements lents

Il est fréquent, chez les personnes qui apprennent le chant, qu’un muscle soit spontanément tendu, voire crispé, en station debout et/ou en chantant. Il convient de redonner à ce muscle de la mobilité et de la détente. Un bon moyen pour ce faire consiste à le solliciter sur des mouvements continus, de faible amplitude et de faible vitesse.

Concernant le cou, vous pouvez par exemple faire « Oui » de la tête, avec un mouvement lent (une seconde vers l’avant, une seconde vers l’arrière) et de faible amplitude (le menton bouge de 2 cm). Vous ferez ensuite « Non », puis des hochements latéraux, puis des rotations.

Vous pourrez reproduire ces mêmes mouvements lorsque vous chantez. Cela oblige votre corps à maintenir les muscles du cou plutôt détendus, et donc à trouver l’énergie dont il a besoin à des endroits plus pertinents.

Obtenir et vérifier la détente en touchant le cou

Voici un autre moyen de mettre en place et de contrôler la détente des muscles du cou : poser paisiblement une ou deux mains autour du cou. (Paisiblement car, là encore, on ne souhaite pas que le nécessaire mouvement d’élévation de la main et du bras entraîne également une élévation de l’épaule, et donc une tension de certains muscles du cou !) Les muscles du cou étant pour beaucoup longs et fins, si un ou plusieurs d’entre eux est tendu, on sent comme une corde tendue sous la peau, et il convient alors de la détendre, en faisant cesser la tension ou en affinant le positionnement de la tête à son équilibre.

Vous pouvez contrôler cette détente lorsque vous êtes debout sans chanter dans un premier temps. Surtout, vous pouvez contrôler cette détente lorsque vous réalisez un exercice vocal et lorsque vous chantez.

Obtenir et vérifier la détente par les sensations internes

L’idéal pour un.e chanteur.se est de sentir lorsque son cou est tendu ou crispé, de façon interne, c’est-à-dire sans toucher ni bouger le cou. Il convient pour cela d’affiner sa perception interne de l’état de ses muscles, appelée proprioception ou kinesthésie. Comme l’ouïe, la proprioception se développe en s’en servant ; il s’agit de porter régulièrement son attention sur les muscles (en l’occurrence, ceux du cou) : sont-ils détendus ? crispés (auquel cas on peut les détendre) ? Interviennent-ils dans ma production vocale ?

Une vérification régulière de la détente du cou permet de l’ancrer

Détendre le cou est relativement facile. Le maintenir détendu dans des nuances forte ou en chantant des notes aigües est plus difficile (selon les physiologies, il se peut même que ce soit impossible pour l’extrême fort/aigu). Je vous invite à vérifier fréquemment la bonne détente du cou, plusieurs fois par séance de travail ou par répétition.

Le maintien du cou détendu va forcer votre corps à trouver d’autres moyens pour chanter ce que vous souhaitez tout en conservant la liberté du larynx, et il y a de bonnes chances pour que lesdits moyens se rapprochent davantage d’une technique vocale efficace et saine. Bonne pratique !

Libérer le larynx par une alimentation d’air constante et modérée

Le rôle du larynx est d’émettre des sons, et de moduler leur hauteur, leur durée, leur puissance et leur timbre.

Pour ce faire, il a notamment besoin :

  • D’être alimenté en air, air qui passe entre les cordes vocales
  • D’être libéré de toute autre contrainte

Le système respiratoire, en amont (et en-dessous) du larynx, y contribue grandement.

Une alimentation en air constante

Considérons le cas simple d’une note longue, stable dans sa hauteur, sa puissance et son timbre.

Pour émettre cette note, le larynx a avant tout besoin que lui parvienne une pression d’air constante sous les plis vocaux ; on appelle la pression à cet endroit du corps la pression sous-glottique (voir pour mémoire la façon dont le larynx génère du son). Si l’air lui parvient par à-coups de pression, alors hauteur, puissance et timbre vont varier dans le temps. Ou bien, plus probablement, le cerveau va entendre ces variations et demander instinctivement au larynx d’ajuster la tension et la longueur des plis vocaux pour maintenir une hauteur et une puissance de son constantes. On comprend aisément que ces ajustements constants perturbent grandement le larynx, qui peut difficilement exécuter un accolement fin et précis des cordes ; il peut alors rechercher la stabilité par la rigidification et la crispation, ce qui tend à dégrader la qualité du timbre, moins agréable, et fatigue vite les plis vocaux.

Pensons à un danseur de ballet qui danserait sur un bateau en pleine tempête : difficile de maintenir une position sur la pointe du pied avec le sol qui tangue, et le vent et les embruns qui fouettent son corps. Il ne lui reste plus qu’à arrimer ses pieds au sol et ses mains au bastingage ; vous l’aurez compris, la liberté et la grâce de ses mouvements s’en trouvent fortement réduites.

Une alimentation en air modérée

En plus d’être constante, la pression sous-glottique doit être modérée, du moins chez un.e chanteur.se en apprentissage. Si elle est trop forte, constante ou pas, elle pousse fortement les plis vocaux vers le haut, et contraint donc certains muscles du larynx à conserver un fort niveau de tension pour maintenir les cordes accolées et empêcher le larynx de monter. Pour lesdits muscles, cela constitue une gêne et une distraction.

Filons la métaphore et retirons à notre danseur les contraintes du tangage, des embruns et de la tempête ; contentons-nous de le placer sur la terre ferme sous un vent puissant et constant : sa palette de mouvements possibles s’élargit, mais reste plus limitée que sans vent sur une scène d’opéra.

Exercice d’expiration modérée : la bougie

Placez votre poing fermé devant votre cou à environ 15 cm. Tendez l’index, figurant ainsi une bougie. Inspirez modérément. Soufflez sur le bout de votre index, aussi faiblement que si vous souffliez sur une bougie en cherchant à ne pas l’éteindre.

Veillez, au long de cet exercice, à conserver une posture droite (sans être rigide) et une détente complète du cou (en posant l’autre main sur le cou, vous ne devez ressentir aucun muscle contracté).

Exercice d’expiration constante : le S

Inspirez modérément. Expirez lentement en formant la consonne S. Ecoutez le son S et efforcez-vous de le maintenir constant, en limitant les sursauts, les hausses et les baisses d’intensité.

La constance du son S indique que le système respiratoire, tout en diminuant progressivement le volume des poumons, a réussi à maintenir une pression d’air constante. Cette nouvelle capacité lui sera précieuse pour alimenter le larynx d’un flux d’air avec une pression constante, le libérant de la charge de s’adapter à un flux d’air discontinu. Il se pourrait qu’il vous en gratifie d’un son orné d’un agréable vibrato !

Comment le larynx génère-t-il du son ?

Parmi les premières choses à comprendre lorsque l’on apprend à chanter se trouve l’anatomie et le fonctionnement du larynx, cet ensemble de cartilages et de muscles qui produit le son à l’origine de la voix. Je vous propose pour ce faire de visionner la vidéo ci-dessous.

On en retiendra principalement que le larynx contient 2 cordes vocales, mieux nommés « plis vocaux », qui peuvent :

  • S’éloigner pour laisser passer l’air, notamment lors de l’inspiration
  • S’accoler (se toucher) pour forcer l’air à passer par intermittence (séparant brièvement les plis vocaux au passage), à un rythme soutenu de plusieurs centaines de passages d’air puis de fermeture des plis vocaux par seconde, ce qui produit un son dit « voisé »

Une bonne partie du travail de technique vocale consistera alors à :

  • Apprendre à accoler ces plis vocaux
  • En amont (en-dessous) des plis vocaux, stabiliser l’alimentation en air, pour que la pression qu’il exerce sous les plis vocaux soit aussi continue que possible, afin que les muscles des plis vocaux ne se distraient pas pour compenser des variations de pression inopportunes, et puissent se concentrer sur leur tâche de définition de la hauteur et de la puissance du son
  • En aval des plis vocaux :
    • Donner un espace de résonance suffisant pour que le son produit par les passages d’air intermittents soit amplifié
    • Articuler voyelles et consonnes sans perturber le larynx, malgré l’existence de liens musculaires entre celui-ci, la langue et la mâchoire

Bien exécutés, ces gestes libèreront le larynx de toute tension distrayante, lui permettant ainsi d’émettre des sons de façon saine et efficace.

L’ouverture de la bouche

Comme beaucoup de notions de technique vocale, l’ouverture de la bouche fait l’objet de recommandations très différentes dans les classes de chant et les répétitions de choeur.

Pourquoi ouvrir la bouche ?

L’ouverture de la bouche a 2 motivations :

  • Permettre une détente et un raccourcissement des muscles qui relient la mâchoire inférieure au larynx (notamment les sus-hyoïdiens qui relient la mâchoire à l’os hyoïde, lui-même lié au larynx), afin d’accroître la mobilité et la liberté du larynx (ce qui, vous l’aurez compris à la lecture du titre de ce blog, est une composante essentielle d’une technique vocale saine et efficace)
  • Ouvrir la fin du conduit sonore (en conjonction avec une ouverture du pharynx et de l’isthme du gosier) pour lui permettre d’agir en résonateur, afin d’enrichir la voix et de lui permettre de porter plus loin

A quel point ouvrir la bouche ?

J’ai entendu des choses très différentes sur ce sujet : il faut pouvoir mettre 2 doigts entre les dents, voire 3 doigts ; certaines personnes vont jusqu’à assouplir les muscles de la mâchoire en y plaçant un bouchon… au risque de déclencher une réaction inverse de crispation desdits muscles.

La recommandation de Cécile Fournier, dans son excellent ouvrage « La voix, un art et un métier » (malheureusement épuisé mais trouvable d’occasion en ligne), me paraît saine : dans le bas et le milieu de la tessiture, un écartement vertical limité suffit (dans mon cas, je peux insérer la largeur d’un doigt entre les deux rangées de dents). Il sera nécessaire de recourir à une ouverture verticale plus marquée dans l’aigu de la tessiture (ainsi que dans l’extrême grave) ; l’extrême aigu, notamment pour les voix de soprane, pourra nécessiter en outre l’ouverture des lèvres en largeur. Nathalie Dessay nous offre un exemple fascinant dans son interprétation de l’Air des clochettes (Lakhmé, de Delibes), particulièrement marqué à 1:21.

Comment ouvrir la bouche ?

N’ayons pas peur de marcher ici sur les traces du maître de philosophie de M. Jourdain, expert en évidences : l’ouverture verticale de la bouche se fait en relâchant partiellement ou totalement les muscles qui soutiennent la mâchoire inférieure et en laissant la gravité faire tomber cette dernière (ce qui n’est pas nécessairement aisé, dans la mesure où ces muscles sont mobilisés en permanence dans la vie courante pour maintenir la bouche fermée). On pourra au besoin accentuer cette ouverture, mais on évitera une ouverture forcée ou crispée, qui pourrait engendrer une crispation d’autres muscles voisins liés au larynx et gêner sa liberté de mouvement.

L’ouverture horizontale de la bouche dépend, elle, de la voyelle à chanter ; dans tous les cas, l’écartement des commissures des lèvres ne dépassera pas celui de leur position relâchée (qui est aussi l’écartement de la voyelle A). Je donnerai davantage d’indications dans un article à venir sur les voyelles.